samedi 11 février 2023

 

Demaison 4

 Paresse Bleu Voiture

 

Le jour se lève…

Julie ouvre un œil, puis l’autre, tourne la tête vers la fenêtre, là d’où elle a l’habitude de suivre du regard la vie qui s’éveille, les pigeons qui se chamaillent dans les arbres, les mésanges à la recherche d’insectes dans la mousse du lilas. Ou encore, par chance, l’écureuil roux qui sautille sur le fil de la clôture…

Il va faire beau aujourd’hui, le ciel est bleu, c’est dimanche et elle a tout le temps ! Aussi, elle se retourne, en boule, bien décidée à profiter un moment encore de la douceur de la couette.

Pas longtemps pourtant, après petit coup d’œil au réveil matin :

-Ah oui, tout de même… !

 

Etre assise chaque matin devant un bol de café est toujours pour elle un moment précieux, même s’il est bref et précède souvent un départ en trombe. Elle privilégie cette parenthèse pour décortiquer son calendrier toujours bien en vue sur la table de la cuisine. Ca la  fait rêver. Elle vérifie les cases encombrées, gamberge devant celles qui sont encore vierges… Aujourd’hui par exemple… Ah oui, réception au Métropole ! A 18h … Elle a le temps encore !

 

Le temps par exemple d’aller flâner du côté des étangs de Groenendael, les mares sont si belles, si paisibles… Le temps semble s’y être arrêté. On y voit des oies bernaches somnoler au soleil sur les berges, les cygnes glissent avec majesté sur une eau  aux reflets azurés. Et que dire de ces verdures flottantes colonisées par une faune mystérieuse d’insectes et de batraciens ? Julie s’est déjà souvent demandé pourquoi elle n’est pas devenue photographe animalière ? Mais non, la patience n’est pas sa vertu première !

 

Les heures ont filé. Coup d’œil à la montre, il faut regagner le petit appart’. Douche rapide, cheveux habilement domestiqués, un brin de maquillage et…  Quoi mettre ? Quelque chose de festif certainement mais sans grand apprêt. Un petit ensemble bleu fera l’affaire. Bleu roi.

 

Lorsqu’elle franchit le seuil du Métropole et qu’elle atteint la suite réservée à la réception Vauquaire, la fête bat son plein. L’assistance a applaudi le patron qui vient de terminer son speech, le champagne circule. Tout en louvoyant entre les groupes d’invités, Julie parcourt du regard les photos et les brochures publicitaires mises en évidence sur les buffets et les murs. Elle a saisi une petite coupe  au passage  et se fafile vers l’hôte de la soirée, cerné de tous côtés par ses invités. Etonnement réel ou feint quand il repère Julie ? Vauquaire lève son verre et lui sourit.

La soirée se poursuit entre échanges entre confrères photographes et retrouvailles avec d’anciens clients, jusqu’au moment où Julie décide de quitter les lieux en douce pour aller admirer dehors les anciennes façades de la Place de Brouckère. Nez en l’air au bord du trottoir, elle sursaute lorsqu’une superbe voiture blanche s’arrête à ses pieds. Un chauffeur speedé s’en extirpe et se précipite vers le client qu’il a repéré. Julie s’efface, prête à s’excuser lorsqu’une voix l’interpelle :

-Julie ? Julie Demaison ?

-Euh… Oui.

C’est Vauquaire.

-Ah, vous êtes encore là ? Heureux de vous croiser enfin, j’ai été fort pris évidemment. Vous attendez votre voiture, vous aussi ?

Elle hésite.

-Pas vraiment, non. Je prends les transports en commun.

Elle se demandera plus tard pourquoi elle a lâché ça.

-Les transports en commun ? Vous êtes sûre ? Non, attendez, je vais vous ramener !

Elle hésite. Alors il insiste, lui saisit le bras.

-Non, laissez-moi vous reconduire !

Pourquoi ce geste spontané la trouble-t-il à ce point? Pourquoi vient-elle de réfuter cette invitation ?

-C’est très aimable à vous mais… non, je vais rentrer par mes propres moyens.

-Certaine ? Je ne voudrais pas paraître importun...

La pression sur le bras se précise encore. Tout comme ce regard ce qui interroge, un regard dont elle n’avait jamais perçu jusque-là qu’il pouvait être aussi intense… Un de ces regards qui laisse filer une vérité intérieure impossible à retenir.

-Comme vous voulez, se résigne-t-il. Une prochaine fois, peut-être ?

-Certainement. Promis !

Cela non plus, à son tour, elle n’a pu le retenir.

 

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Demaison : Un jour n'est pas l'autre

Prologue -          Oh, non, le frigo est pratiquement vide… ! Julie soupire, s’assied à la table de la cuisine, attrape un morceau de papie...