Demaison 6
Orange Colère Portrait de Van Gogh
Un jour n’est pas l’autre…
Après une
journée une fois de plus bien remplie, Julie regagne son lit, envahie par un sentiment de sérénité et de
bonheur. Dehors le soleil lui aussi se couche, étirant derrière les toits des
maisons et les arbres de longues traînées oranges... Un doux
flamboiement ! Comme celui qu’elle a éprouvé à la piscine le matin lorsque
Simon a délicatement posé ses lèvres sur les siennes. Un baiser pudique qui avait
provoqué chez elle un violent délice.
Lorsqu’elle avait enfin levé les yeux vers lui :
-Simon… ?... Je voudrais… J’espère…
Il avait fait mine de poser un doigt sur sa bouche et lui
avait soufflé à l’oreille :
-Ne crains rien, Julie !… Cool !... Mais il
faut que je parte maintenant, je suis pressé, j’ai un rendez-vous. Je t’appelle
tout à l’heure, promis !
Il l’avait rappelée en effet, et conviée pour le lendemain soir à un petit tête-à- tête au
resto. Elle s’était doucement laissée aller dans ses rêves, avec cette intuition qu’il venait de lever un
voile sur cette douceur qu’il s’efforçait si bien de dissimuler.
Le lendemain elle s’est levée de bonne heure, et de bonne
humeur.
Le p’tit déj’ reste toujours un moment privilégié avant
d’entamer la journée. Assise devant son bol de café, elle se penche son agenda
étalé sur la table de la cuisine. Point par point elle relève :
-
Magasin : vérifier stock de piles
électrique
-
11h cours collectif photo à la Commune
-
Coup de fil à Gaspard accordéoniste
-
Courrier Mutuelle
-
-17h de Bellefroid photos
De quoi bien remplir les heures à venir, en somme !
Heureusement, il y a la perspective de
retrouver Simon, le soir à la Gourmandine.
Quant à ce vague carton d’invitation qu’elle voit
dépasser de la boîte aux lettres : « Van
Gogh - Spectacle en immersion dans les locaux de la Bourse »…
elle le froisse carrément. Non merci ! Trop de jaune, trop d’orange, trop
de coups de pinceaux gondolants… Poubelle !
Une demie heure plus tard, alors qu’elle s’apprête à
mettre le contact à sa voiture son GSM sonne.
-Allo ? Madame Demaison ? Charlotte de
Bellefroid à l’appareil, vous allez bien ? Je vous appelle pour vous
prévenir que j’aurai un peu de retard tout à l’heure… Toutes mes excuses… Mais
j’ai un contretemps sérieux… Vous comprenez, n’est-ce pas ?
Comprendre ? Julie comprend surtout que la gente
dame est culottée ! Son sang n’a fait qu’un tour, la colère lui serre
l’estomac et c’est avec rage qu’elle démarre.
La Charlotte de Bellefroid a, bien évidemment, pris son
temps avant de regagner son domicile. Mais la voici enfin installée dans le
canapé du salon pour prendre la pose… comme -ci… comme-ça… pendant que Julie la
mitraille sous tous les angles.
-On pourrait aussi prendre une photo avec mon chat ?
Qu’en pensez-vous ? Méphisto ? Viens mon chat, viens chez Maman…
Mais le Chartreux n’apprécie guère être interrompu dans
sa sieste. Il se fend d’un miaulement furieux, d’un coup de griffe et s’enfuit.
Autre tentative avec le chien : le Border Collie,
lui, accourt et saute dans tous les sens, trop heureux à l’idée d’une promenade
inattendue.
Au bord d’une sourde apoplexie, Julie finit par suggérer
d’en rester là.
La séance l’a épuisée. Coup d’œil à la montre. Il lui
reste un court moment pour regagner la maison, faire un brin de toilette et
rejoindre enfin Simon.
Vite la voiture ! Elle démarre et fonce… Par le Bois
de la Cambre, peut-être ? Oui, ça ira plus vite ! Mais elle a perdu
de vue que la circulation y a été modifiée. Ah bon ? La route est barrée maintenant ? Coup de
volant, crissement des freins pour éviter les blocs de bétons qui barrent le
passage et… Non, trop tard ! Une voiture vient de l’emboutir à l’arrière. Spectaculaire
constat de tôles froissées de part et d’autre… !
-Allo, Simon ? Désolée !... Je viens de faire
une bosse en voiture… Une grosse bosse !
Décidément, non, un jour n’est pas l’autre.
-o0o-