dimanche 26 mars 2023

 

Demaison 6

 

Orange  Colère  Portrait de Van Gogh

 

Un jour n’est pas l’autre…

     Après une journée une fois de plus bien remplie, Julie regagne son lit,  envahie par un sentiment de sérénité et de bonheur. Dehors le soleil lui aussi se couche, étirant derrière les toits des maisons et les arbres de longues traînées oranges... Un doux flamboiement ! Comme celui qu’elle a éprouvé à la piscine le matin lorsque Simon a délicatement posé ses lèvres sur les siennes. Un baiser pudique qui avait provoqué chez elle un violent délice.

Lorsqu’elle avait enfin levé les yeux vers lui :

-Simon… ?... Je voudrais… J’espère…

Il avait fait mine de poser un doigt sur sa bouche et lui avait soufflé à l’oreille :

-Ne crains rien, Julie !… Cool !... Mais il faut que je parte maintenant, je suis pressé, j’ai un rendez-vous. Je t’appelle tout à l’heure, promis !

Il l’avait rappelée en effet, et conviée pour  le lendemain soir à un petit tête-à- tête au resto. Elle s’était doucement laissée aller dans ses rêves,  avec cette intuition qu’il venait de lever un voile sur cette douceur qu’il s’efforçait si bien de dissimuler.

 

Le lendemain elle s’est levée de bonne heure, et de bonne humeur.

Le p’tit déj’ reste toujours un moment privilégié avant d’entamer la journée. Assise devant son bol de café, elle se penche son agenda étalé sur la table de la cuisine. Point par point elle relève :

-        Magasin : vérifier stock de piles électrique

-        11h cours collectif photo à la Commune

-        Coup de fil à Gaspard accordéoniste

-        Courrier Mutuelle

-        -17h de Bellefroid photos

De quoi bien remplir les heures à venir, en somme ! Heureusement, il y a la  perspective de retrouver Simon, le soir à la Gourmandine.

Quant à ce vague carton d’invitation qu’elle voit dépasser de la boîte aux lettres :  « Van Gogh - Spectacle en immersion dans les locaux de la Bourse »… elle le froisse carrément. Non merci ! Trop de jaune, trop d’orange, trop de coups de pinceaux gondolants… Poubelle !

Une demie heure plus tard, alors qu’elle s’apprête à mettre le contact à sa voiture son GSM sonne.

-Allo ? Madame Demaison ? Charlotte de Bellefroid à l’appareil, vous allez bien ? Je vous appelle pour vous prévenir que j’aurai un peu de retard tout à l’heure… Toutes mes excuses… Mais j’ai un contretemps sérieux… Vous comprenez, n’est-ce pas ?

Comprendre ? Julie comprend surtout que la gente dame est culottée ! Son sang n’a fait qu’un tour, la colère lui serre l’estomac et c’est avec rage qu’elle  démarre.

 

La Charlotte de Bellefroid a, bien évidemment, pris son temps avant de regagner son domicile. Mais la voici enfin installée dans le canapé du salon pour prendre la pose… comme -ci… comme-ça… pendant que Julie la mitraille sous tous les angles.

-On pourrait aussi prendre une photo avec mon chat ? Qu’en pensez-vous ? Méphisto ? Viens mon chat, viens chez Maman…

Mais le Chartreux n’apprécie guère être interrompu dans sa sieste. Il se fend d’un miaulement furieux, d’un coup de griffe et s’enfuit.

Autre tentative avec le chien : le Border Collie, lui, accourt et saute dans tous les sens, trop heureux à l’idée d’une promenade inattendue.

Au bord d’une sourde apoplexie, Julie finit par suggérer d’en rester là.

 

La séance l’a épuisée. Coup d’œil à la montre. Il lui reste un court moment pour regagner la maison, faire un brin de toilette et rejoindre enfin Simon.

Vite la voiture ! Elle démarre et fonce… Par le Bois de la Cambre, peut-être ? Oui, ça ira plus vite ! Mais elle a perdu de vue que la circulation y a été modifiée. Ah bon ?  La route est barrée maintenant ? Coup de volant, crissement des freins pour éviter les blocs de bétons qui barrent le passage et… Non, trop tard ! Une voiture vient de l’emboutir à l’arrière. Spectaculaire constat de tôles froissées de part et d’autre… !

-Allo, Simon ? Désolée !... Je viens de faire une bosse en voiture… Une grosse bosse !

Décidément, non, un jour n’est pas l’autre.

 

-o0o-

 

dimanche 5 mars 2023

 

Demaison 5   Blanc    Avarice   Restaurant

 

     La semaine a été chargée, Julie sent la fatigue lui enserrer les épaules. Il faudrait qu’elle puisse se détendre, c’est évident.

- Viens avec moi, lui a soufflé, une copine, viens faire de l’aquagym!

Bonne idée, oui ! Mais la piscine en question est située à Neerpede ! Au diable vau vert ! Et il s’agit de Thermes ! Se balader à poil dès qu’on a cessé de pédaler l’eau, c’est pas vraiment son truc !

Quoi d’autre? La piscine communale ? On y est submergé par les écoles ! Sinon ?... Ah oui, il y a bien ici tout près, à l’orée du bois, le David Lloyd dont on vante le cadre et le confort. Mais, purée ! Qu’est-ce que c’est cher ! Quels prix ! Quoique, des prospectus dans la boîte aux lettres, font souvent état de promotions intéressantes. A condition, bien sûr, de s’abonner ensuite pour le reste de  l’année! Que faire ?... Oh, et puis zut ! Au diable les restrictions, au diable l’avarice !

 

   Elle ne regrette pas son choix. Après le passage obligé par la douche, Julie débarque dans un large univers blanc fait de carrelages et de vitres qui  reflètent la lumière. Même si elle semble bleue, l’eau est limpide, et accueille les nageurs à des températures des plus douce. Elle s’y glisse avec langueur, entame quelques brasses, s’étire à la nage indienne comme elle aime tant, puis se laisse finalement flotter sur le dos, le regard perdu vers la verrière au-dessus d’elle, transparente, lumineuse…

 

Mais le temps a filé, il faudrait sortir de l’eau tout de même. Elle a saisi sa serviette éponge et se dirige à nouveau vers les douches…  A petits pas, bien sûr, et avec prudence car le sol est humide et … 0h !... Ah ?... Zut, son équilibre ? Mais à peine a-t-elle vacillé qu’une main vigoureuse l’a saisie  par le bras… Une poigne solide qui la maintient debout.

-Ça va, Madame ?

-Oui, ça va…

Elle souffle, reprend ses esprits, lève la tête vers…

Non ! Lui ? Vauquaire ? Il est là, contre elle, en slip de bain, torse encore ruisselant.

-Tout va bien, Mad… ? Quoi, Julie? Julie Demaison ?

-Oui,  c’est moi, souffle-t-elle.

Il rit. Elle ne peut que s’esclaffer, confuse :

-Oh, merci ! Merci, car j’ai bien failli m’étaler !

-Et ça va maintenant ?... Ça va aller pour rejoindre votre cabine ?

-Oui, oui, merci.

Il rit ;

-Attention, hein, je vous surveille de loin !... Euh ?… On pourrait peut-être se retrouver dehors ?… Pour boire un verre au bar ?

-Pourquoi pas, conclut-elle. A tout de suite !

 

Ils se retrouvent donc au bar, quelques minutes plus tard, attablés sous la tonnelle.

-Que voulez-vous boire, Julie ? Je peux vous appeler Julie ? D’ailleurs, puisque je vous ai si bien sauvée, on pourrait se tutoyer aussi ?

-Ben, oui… Alors, cerise sur le gâteau Simon, offre-moi un verre, tiens !

L’entretien se poursuit avec politesse entre évocation des retombées médiatiques de la fête au Métropole et  business quotidien de Julie.

Mais le temps passe une fois de plus. Vauquaire a jeté un coup d’œil à sa montre.

-Je ne peux pas m’attarder davantage malheureusement. Julie acquiesce et vide son verre.

Lui, se fait narquois :

-Ca va aller pour rentrer ? Tu es à nouveau venue en tram ou… je te reconduis cette fois ? 

-Non, non, ça ira, lâche-t-elle en lui renvoyant un sourire amusé. Ma voiture est là d’ailleurs.

Petit clic sur la clef du véhicule, elle a saisi la poignée de la portière et se retourne vers lui pour prendre congé mais…  même s’il sourit, il ne semble pas prêt à serrer la main qu’elle lui tend.

Il est là, la dévisage. Intensément. Que veut-il dire ? Il n’y a sans doute pas de mots pour ça… Elle le voit pourtant s’approcher avec  prudence, et sent des lèvres timides se poser avec une infinie délicatesse sur les siennes. Des lèvres bien décidées qui s’entêtent pourtant, qui la troublent et provoquent en elle soudain… le chaos !

 

 

Demaison : Un jour n'est pas l'autre

Prologue -          Oh, non, le frigo est pratiquement vide… ! Julie soupire, s’assied à la table de la cuisine, attrape un morceau de papie...