Demaison
7
Vert Luxure
Petit pendentif
Difficile
pour Julie de se défaire du malaise qu’a provoqué le coup de fil de Cécile, sa
copine, venue aux nouvelles le matin pour l’inviter à une petite virée cinoche.
-Non, pas
possible, avait-elle décliné, je dîne avec Simon ce soir.
-Simon ?
Simon Vauquaire ? Dis donc, tu ne
te mouches pas du pied! Tu sais que c’est un coureur de jupons ?
-Euh, non…
Pas vraiment.
Cécile, bien
entendu, s’était fait un plaisir de se répandre en commentaires éloquents :
Cavaleur !… Ne crache pas sur les partouzes… Aime la luxure… Je dis ça, je
dis rien, hein , mais fais gaffe quand même… !
L’échange en
était resté là mais il n’en a pas moins laissé quelque trace dans l’esprit de
Julie.
Coup de fil
de son père, plus tard, qui lui signale qu’une surprise l’attend sur le
comptoir du magasin. Il paraît que Gaspard, l’accordéoniste qu’elle a soutenu
dans sa campagne publicitaire pour un concert, lui a réservé un cadeau en guise
de remerciement. Curieuse, elle s’empresse d’aller ouvrir le colis et découvre…
rien moins qu’un collier ! Oui, enfin… Une fine chaînette à laquelle
pendouille la découpe métallique d’un frêle papillon ! Mignon en soi, si
on veut pense Julie, mais pas vraiment ce qu’elle aime ! Le geste est gentil,
mais… purée ! Encore un qu’il va falloir remercier, chouchouter, flatter…
Ce sera pour
plus tard, ce soir elle va à la rencontre de Simon.
Lorsqu’elle
arrive à la villa, Simon l’attend sur le seuil, en bras de chemise et tout
sourire.
-Venez,
venez, chère dame, ironise-t-il…Heureux de vous revoir… enfin !
Puis, plus
familièrement, avec une bise sur la joue :
-Viens,
Julie, entre… Donne-moi ton châle et
installe-toi au salon.
Puis, de
loin en élevant la voix du fond de la cuisine :
-Un verre de
bulles, ça te va ?
Lorsqu’il
réapparaît avec une bouteille et deux verres, son regard croise celui de Julie
puis tombe sur un livre abandonné sur la table basse.
-Ah, oui,
excuses ! confesse-t-il avec un sourire faussement contrit et en
retournant l’ouvrage sur la page de garde pour en masquer le titre coquin :
« Chefs d’œuvre de l’érotisme ».
-Oh, dans le
genre tu sais, il y a pire… !
Elle saisit
la balle au bond :
-« Les
carnets » d’Anaïs Nin, par exemple…
-Nooon !
Plus érosif : Dante et sa « Divine Comédie ». L’enfer et la luxure,
très chère ! Allons, viens, tranche-t-il, allons profiter de la verdure et
d’un climat plus sain.
Le jardin en
effet invite à la sérénité. Même si les pelouses ont été tracées et tondues au
cordeau, de beaux espaces verts cultivés
« à l’anglaise « font la part belle aux fleurs et à des buissons
épanouis. Et les plantes aromatiques
lorsqu’on les froisse au passage vous parlent volontiers d’un ailleurs parfumé…
Le vin fait peu
à peu son office, les huîtres et les
crustacés aussi. Simon et son invitée se laissent gagner par le plaisir de
partager une familiarité toute neuve. Lui,
il l’observe, l’écoute surtout, c’est elle qui se raconte.
Le temps
file, le soir tombe, elle frissonne.
-Tu vas
prendre froid! Viens, rentrons.
Mais à peine
ont-ils franchi la baie vitrée qu’il la retient par le bras et lui fait face.
Est-elle surprise ? A peine. Pas étonnée non plus de retrouver dans son regard
cette douceur sans défense qu’elle avait fini par capter lors de leur séance
photo. Pas davantage effarouchée non
plus par ces lèvres prudentes qu’elle voit s’approcher des siennes. C’est un
Simon gourmand qui s’impose à présent, qui l’attire contre lui, un homme dont
elle se hasarde à respirer l’odeur dans l’échancrure de sa chemise, un homme qui
la trouble au hasard de ses mains aventureuses. Cet homme vient d’allumer au
plus secret d’elle-même une étincelle de désir, une petite flamme têtue, qui déjà
prend vigueur, qui s’insinue au cœur de ses entrailles, qui monte, qui part en vrille
et qui s’écrase enfin en un râle irrésistible, sauvage…
-o0o-