samedi 15 avril 2023

 

Demaison 7

 

Vert   Luxure  Petit pendentif

 

Difficile pour Julie de se défaire du malaise qu’a provoqué le coup de fil de Cécile, sa copine, venue aux nouvelles le matin pour l’inviter à une petite virée cinoche.

-Non, pas possible, avait-elle décliné, je dîne avec Simon ce soir.

-Simon ? Simon Vauquaire ? Dis donc, tu  ne te mouches pas du pied! Tu sais que c’est un coureur de jupons ?

-Euh, non… Pas vraiment.

Cécile, bien entendu, s’était fait un plaisir de se répandre en commentaires éloquents : Cavaleur !… Ne crache pas sur les partouzes… Aime la luxure… Je dis ça, je dis rien, hein , mais fais gaffe quand même… !

L’échange en était resté là mais il n’en a pas moins laissé quelque trace dans l’esprit de Julie.

 

Coup de fil de son père, plus tard, qui lui signale qu’une surprise l’attend sur le comptoir du magasin. Il paraît que Gaspard, l’accordéoniste qu’elle a soutenu dans sa campagne publicitaire pour un concert, lui a réservé un cadeau en guise de remerciement. Curieuse, elle s’empresse d’aller ouvrir le colis et découvre… rien moins qu’un collier ! Oui, enfin… Une fine chaînette à laquelle pendouille la découpe métallique d’un frêle papillon ! Mignon en soi, si on veut pense Julie, mais pas vraiment ce qu’elle aime ! Le geste est gentil, mais… purée ! Encore un qu’il va falloir remercier, chouchouter, flatter…

Ce sera pour plus tard, ce soir elle va à la rencontre de Simon.

 

Lorsqu’elle arrive à la villa, Simon l’attend sur le seuil, en bras de chemise et tout sourire.

-Venez, venez, chère dame, ironise-t-il…Heureux de vous revoir… enfin !

Puis, plus familièrement, avec une bise sur la joue :

-Viens, Julie,  entre… Donne-moi ton châle et installe-toi au salon.

Puis, de loin en élevant la voix du fond de la cuisine :

-Un verre de bulles, ça te va ?

Lorsqu’il réapparaît avec une bouteille et deux verres, son regard croise celui de Julie puis tombe sur un livre abandonné sur la table basse.

-Ah, oui, excuses ! confesse-t-il avec un sourire faussement contrit et en retournant l’ouvrage sur la page de garde pour en masquer le titre coquin : « Chefs d’œuvre de l’érotisme ».

-Oh, dans le genre tu sais, il y a pire… !

Elle saisit la balle au bond :

 -« Les carnets » d’Anaïs Nin, par exemple…

-Nooon ! Plus érosif : Dante et sa « Divine Comédie ». L’enfer et la luxure, très chère ! Allons, viens, tranche-t-il, allons profiter de la verdure et d’un climat plus sain.

Le jardin en effet invite à la sérénité. Même si les pelouses ont été tracées et tondues au cordeau, de beaux espaces  verts cultivés « à l’anglaise «  font la part belle aux fleurs et à des buissons épanouis. Et les  plantes aromatiques lorsqu’on les froisse au passage vous parlent volontiers d’un ailleurs parfumé…

Le vin fait peu à peu son office, les huîtres et  les crustacés aussi. Simon et son invitée se laissent gagner par le plaisir de partager une familiarité toute neuve.  Lui, il l’observe, l’écoute surtout, c’est elle qui se raconte.

Le temps file, le soir tombe, elle frissonne.

-Tu vas prendre froid! Viens, rentrons.

Mais à peine ont-ils franchi la baie vitrée qu’il la retient par le bras et lui fait face. Est-elle surprise ? A peine. Pas étonnée non plus de retrouver dans son regard cette douceur sans défense qu’elle avait fini par capter lors de leur séance photo. Pas  davantage effarouchée non plus par ces lèvres prudentes qu’elle voit s’approcher des siennes. C’est un Simon gourmand qui s’impose à présent, qui l’attire contre lui, un homme dont elle se hasarde à respirer l’odeur dans l’échancrure de sa chemise, un homme qui la trouble au hasard de ses mains aventureuses. Cet homme vient d’allumer au plus secret d’elle-même une étincelle de désir, une petite flamme têtue, qui déjà prend vigueur, qui s’insinue au cœur de ses entrailles, qui monte, qui part en vrille et qui s’écrase enfin en un râle irrésistible, sauvage…

 

-o0o-

 

Demaison : Un jour n'est pas l'autre

Prologue -          Oh, non, le frigo est pratiquement vide… ! Julie soupire, s’assied à la table de la cuisine, attrape un morceau de papie...